Interview : « Nous sommes laissés pour compte », se plaint Martin Ferdinand Gomou, pompiste

1 week ago
LES CHIMPANZÉS DE BOSSOU -GUINEE

Le chef de piste de la station Star Oil d’Enco, près de 30 ans de service, confie à notre rédaction les risques qu’encourent les pompistes.

Le Lynx : Parlez-nous de votre parcours

Martin Ferdinand Gomou : J’ai fait la mécanique automobile en Côte d’Ivoire. À mon retour en Guinée, j’ai postulé pour un stage d’un mois à Elf qui m’a retenu et m’a formé. Depuis 1995, j’effectue le métier de pompiste, d’abord avec Elf et quand Elf et Total ont fusionné, je suis resté avec Total pendant longtemps avant de continuer avec Star Oil. J’ai effectué depuis 1995 tous les secteurs de métier de pompiste : entretien, réparation de voitures, distribution du carburant à la pompe. 

Votre travail vous expose à la pollution des engins, au contact permanent avec le gaz. Rien de bon pour la santé.  

Il y a beaucoup de risques sanitaires. Tout le monde sait que nous vendons un produit gazeux, donc toxique. Nous courons aussi des risques sanitaires liés à la pollution des engins roulants. Si par inattention on touche les produits, il y a des effets. Cela nous donnerait des maladies. Il y a en premier lieu les maladies pulmonaires. On aspire tout le temps le gaz, ce qui cause des problèmes cardiaques. Se tenir debout tout le temps a des effets sur le dos. Après une journée au boulot, on utilise de l’eau chaude pour le bain, sinon nos pieds enflent. Nous avons également des problèmes d’yeux qui sont des conséquences non seulement du gaz, mais également du papier qu’on utilise. Enfin, notre teint se détériore tout le temps.

Avez-vous contracté une de ces maladies ?

J’aides fréquents maux de ventre. Je tousse. Je ne puis vous raconter tout ce que les médecins disent, mais sachez que j’ai développé beaucoup de maladies dues à mon travail. Par exemple, je traîne une bronchite depuis des années.  

Les agents et marqueteurs sont au courant de ces risques ?  

Ils nous en parlent lors de nos formations. Tout est mentionné, même dans les manifestes avec lesquels nous travaillons. C’est écrit et tout le monde est conscient que nous travaillons avec des produits toxiques. Les risques sanitaires sont élevés.

Ils ont quand-même des obligations envers vous ?

Normalement, ils doivent nous fournir deux tenues, deux paires de sécurité et des masques tous les six mois. Par ailleurs, ils doivent nous approvisionner en lait quotidiennement, pour minimiser les conséquences de la pollution dégagée par les engins et éviter les maladies pulmonaires très graves. Avec les produits toxiques, il faut purifier tout le temps le cœur.

Les patrons remplissent-ils ces obligations ?

Non. La tenue est perçue comme une obligation d’image par eux. Parce que cela rend particulier et distinctif le travailleur. À Total par exemple, on obtenait les tenues comme indiqué. Mais à Star Oil, cela fait défaut. Je ne peux vous dire combien de fois, mais deux tenues par semestre n’ont jamais été respectées. Pour ce qui est du lait, pendant mes 28 ans de service, je n’en ai jamais reçu.

Avez-vous où vous plaindre ?

Je ne sais pas, mais il faut que l’État essaye de voir cet aspect. Nous sommes des travailleurs acharnés qui font un métier très important dans la société. Si nos mesures de sécurité ne sont pas respectées, l’État doit contraindre les gérants à réunir le minimum de conditions de travail. Surtout que nos salaires ne couvrent pas nos soins.  Le salaire initial d’un pompiste dans une station de service est de 700 000 GNF. Il nous a fallu battre le pavé pour l’obtenir. Il y a quelques années, on était payé à 500 000 GNF. Cela ne peut même pas couvrir nos charges familiales, à plus forte raison les soins médicaux.

Votre syndicat fait quoi pour faire respecter vos droits ?

Avant, notre syndicat était fort et les travailleurs s’y reconnaissaient. Mais, depuis 2021, il n’y a pas de réunion entre les travailleurs. Cela est intervenu après plusieurs faux pas du bureau en place d’alors. Actuellement, nous sommes laissés pour compte. Pas de syndicats. Aucun service public pour s’intéresser à nos difficultés. C’est la triste réalité.

Interview réalisée par

Diarouga Aziz Balde

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